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Mais que fait la politique ?

On nous habitue à avoir peur de notre assiette, à enjamber des " SDF " quand flambe le Nasdaq, à laisser des vies s'enfermer dans des cités délaissées, à voir les pétroliers s'échouer. On s'habitue aux fins de mois difficiles pendant que les multinationales engrangent des profits, à voir nos enfants tousser en ville tout en continuant à prendre sa voiture pour un oui pour un non, à regarder à la télévision la mort accélérée des Africains atteints du Sida quand existent des thérapies. On s'habitue aussi nous-mêmes à la facilité.

Mais que font les politiques ?

A la suite du mouvement social de l'hiver 1995, beaucoup ont espéré d'une gauche qui parlait autrement que celle des années 1980. La victoire électorale de 1997 et l'émergence d'une gauche plurielle, critique à l'égard du mitterrandisme, a généré des attentes. Mais en 2002, pourrons-nous encore y croire ? Nous avons soutenu des mesures telles que le PaCS, la réforme de l'IVG ou la loi en faveur du logement social, même si nous les jugeons insuffisantes. D'autres réformes, comme les emplois-jeunes ou la CMU, sont des avancées, mais qui ne s'en prennent pas aux racines de la précarité, voire en génèrent une nouvelle. Ailleurs, le bilan de la gauche plurielle fonde notre critique : l'agrément gouvernemental sur la réforme de l'UNEDIC, le vote sur l'épargne salariale, l'augmentation de l'annualisation et de la flexibilité et le gel des salaires générés par les effets pervers de la loi sur les 35 h, la non régularisation de tous les sans-papiers, le refus d'envisager la sortie du tout nucléaire, d'orienter la politique énergétique afin de limiter l'effet de serre... Les impatiences se transforment en colère.

Des modes de contestation se développent, à côté des partis. Comme l'illustrent le succès d'ATTAC, la mobilisation à Millau ou à Nice, des mouvements sociaux emportent l'adhésion d'un nombre croissant de personnes mais aussi de militants politiques qui s'y sentent plus utiles, plus libres, plus efficaces. Et se creuse le fossé entre des formes anciennes et usées d'organisation et une aspiration à se réapproprier la politique. Il est dommage que les partis politiques ne se soient pas nourris et inspirés des pratiques démocratiques au sein des mouvements sociaux, développées depuis les coordinations de 1986 : limite de la durée des mandats, animation collégiale, mandatement strict, porte-parolat partagé... La transposition dans les partis ne peut pas être automatique. Mais favoriser la transparence interne, le débat et la délégation contrôlée des représentant-e-s contribuerait à ce que les militants se sentent plus associé-e-s à la vie de leur parti, et donc plus utiles.

Dans les partis, la prise de responsabilité et la promotion résultent d'abord de la discipline et de la cooptation. Très jeunes, on y apprend l'art de faire là où on nous dit de faire, jusqu'à en oublier pourquoi on est venu ! Des professionnels de la politique, sur le modèle de l'homme blanc quinquagénaire, cumulent les responsabilités auxquels s'ajoutent, pour certains, les privilèges. La classe politique tend à ne ressembler qu'à elle-même et à fermer le jeu politique. Aujourd'hui, les " affaires " minent à des degrés divers la plupart des formations politiques. Loin de faire écho aux " tous pourris ", nous ne pouvons rester silencieux et fermer les yeux sur la collusion entre le monde des affaires et le politique. Comment pourrions-nous accepter qu'un ministre des Finances puisse, seul, sans contrôle, décider d'effacer d'importantes ardoises fiscales ? Comment le citoyen en charge des plus hautes responsabilités de l'Etat peut prétendre se soustraire à la justice du pays qu'il gouverne ? Ces exceptions desservent l'ensemble du monde politique.

Bien sûr, les discours sont nombreux qui proclament le déclin du politique et convoquent un renouveau. A côté de la langue de bois si vite apprise, on compte aussi les actions de bois. La " politique autrement " se réduit souvent à des mesures de façade, replâtrages, pirouettes médiatiques et autres élégances publicitaires.

Nous pensons que la gauche peut et doit beaucoup mieux.

Ce n'est pas en nous murant dans l'inaction confortable de ceux qui n'interviennent que le temps d'un vote, d'une pétition ou d'une émission chez Ardisson, que nous ferons bouger le monde. Nous héritons d'anciens clivages politiques, à l'intérieur de la gauche, qui ne correspondent plus forcément à ce qui nous rassemble aujourd'hui. Pour notre part, nous ne voulons ni cautionner le social-libéralisme ni nous confiner dans l'entre soi d'extrême gauche, ni opposer le rouge et le vert. Tout héritage est destiné à être assumé et transformé par celles et ceux qui le recueillent Nous n'avancerons qu'en brisant les frilosités et les querelles anciennes. Nous sommes d'organisations, de problématiques et d'histoires différentes. L'urgence sociale nous intime de conjuguer nos différences pour sortir des vieilles routines des professionnels de la politique (jeunes ou vieux) ou des apologues du marché (fussent-ils branchés). Les questions sociales, écologiques, démocratiques et féministes peuvent et doivent se féconder. Par exemple, parce qu'au Nord, mais surtout au Sud, ceux qui paient la facture écologique sont ceux qui paient en priorité la fracture sociale. Par exemple aussi, parce que les désastres écologiques procèdent toujours des objectifs de rentabilité à court terme et de l'absence de débats démocratiques. Ou par exemple encore, parce que le cumul des inégalités sociales et de la domination masculine conduisent au sur-chômage féminin ou aux temps partiels imposés.

Ce texte est une invitation à se rencontrer, à débattre, à agir, au-delà des clivages partisans dans un forum inventé pour cela pour refaire la politique. Rouge et vert avançons en liant l'intervention dans les institutions et, en dehors, dans les mouvements sociaux. Brisons la glace qui nous sépare de la politique. Car face à la mondialisation libérale, l'engagement politique reste notre meilleure arme.

Gilles Alfonsi, militant du PCF
Clémentine Autain, sympathisante du PCF
Véronique Dubarry, militante Les Verts
Jérôme Gleizes, militant Les Verts
Mathilde Gralepois, militante Les Alternatifs
Pierre Hébert, militant Les Alternatifs
Eric Lafon, militant de la LCR
David Langlois-Mallet, militant de Chiche !
Willy Pelletier, militant de la LCR
Anne-Gaëlle Yvinec, militante de Chiche !